Pour en savoir plus sur HéLiCéO :
Lancé en avril 2025 dans le cadre du programme « Recherche à risque et à impact » du CNRS[1], le projet HéLiCéO (Héritages Linguistiques, Cultures orales, Éducation en Océanie) vise à documenter et à décrire les langues d’Océanie (environ 1 300, soit 20% des 7 000 langues du monde), les conditions de leur transmission dans un environnement plurilingue, ainsi que les pratiques langagières associées dans un contexte culturel de tradition orale. Cette assise empirique à partir de langues typologiquement diverses permettra non seulement de mieux comprendre le paysage linguistique de cette vaste région et son histoire, mais plus largement, de mieux modéliser le développement du langage au sein de l’espèce humaine. Enfin, le projet HéLiCéO s’attache à venir en appui de la transmission de ces langues en accompagnant des politiques éducatives innovantes, visant à préserver la diversité linguistique tout en favorisant la réussite scolaire.
Si sa phase de démonstration est concluante, HéLiCéO se prolongera jusqu’en 2031 en se déclinant selon cinq axes de recherche :
1 – Description et analyse des langues d’Océanie : il s’agit de répondre à l’urgence de documenter les langues menacées. HéLiCéO ambitionne de développer des protocoles innovants, en appui sur l’intelligence artificielle, pour faciliter les enquêtes extensives, et accélérer le traitement des données afin de produire des analyses grammaticales semi-automatisées.
2 – Linguistique historique et comparative : si l’histoire des langues océaniennes est désormais établie dans ses grandes lignes, la genèse du proto-océanien au contact des langues papoues, et les étapes les plus récentes du processus de diversification linguistique, restent à préciser. HéLiCéO entend y contribuer en s’appuyant sur la méthode innovante de la glottométrie historique, qui conjugue les outils de la dialectologie avec ceux de la méthode comparative.
3 – Patrimoine oral : L’enjeu est ici de révéler les connaissances autochtones transmises par la littérature orale et de tracer la filiation de certains motifs récurrents à travers l’Océanie. Pour ce faire, HéLiCéO élabore une base de mythologie comparative autour des traditions orales du Pacifique, destinée à la fois aux chercheurs du domaine, aux communautés locales et au grand public.
4 – Acquisition du langage en contexte plurilingue : trop peu de langues sont représentées dans les revues les plus importantes consacrées à l’acquisition du langage. Ainsi, depuis 1980, les quatre revues les plus citées du domaine ont étudié moins de 2% des langues du monde ; les enfants plurilingues ne figurent que dans 15% des articles, alors qu’ils constituent la moitié de la population mondiale. Ces biais fragilisent la fiabilité des conclusions issues de la recherche. Or, l’étude de l’acquisition du langage dans les communautés plurilingues du Pacifique nous fournit l’occasion de corriger ces biais, en exploitant la diversité des contextes d’apprentissage océaniens, en famille et à l’école. Ici aussi, HéLiCéO va développer des méthodes innovantes pour mesurer, en conditions insulaires réelles, urbaines ou rurales, la compréhension et la production linguistique et les capacités cognitives des enfants.
5 – Politiques linguistiques et éducatives en Outremer : l’école a longtemps banni de son enceinte les langues des élèves. Depuis une quarantaine d’années, l’école dans les pays et les collectivités du Pacifique s’est cependant ouverte aux langues locales. Pour soutenir cette ouverture, HéLiCéO propose différentes actions de diffusion, de médiation et de valorisation de la recherche fondamentale sur les langues océaniennes.
Le projet HéLiCéO relève d’une recherche de pointe au service de la compréhension de la faculté de langage ; il a pour ambition de situer les langues océaniennes au sein de l’ensemble Pacifique et parmi les tendances universelles des langues, et de comprendre comment les enfants développent cette faculté en contexte plurilingue.
Responsables scientifiques d’HéLiCéO:
- Jacques Vernaudon, professeur de linguistique, Maison des Sciences de l’Homme du Pacifique (MSHP) - Université de la Polynésie française/CNRS ;
- Alexandre François, directeur de recherche en linguistique, laboratoire Langues, Textes, Traitements informatiques, Cognition (LATTICE) - CNRS/ENS - PSL/Université Sorbonne Nouvelle ;
- Alejandrina Cristia, directrice de recherche en psycholinguistique, laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistiquen (LSCP) - CNRS/EHESS/ENS – PSL ;
- Marie Salaün, professeure d’anthropologie, Unité de recherche Migrations et Société (URMIS - CNRS/IRD/Université Côte d'Azur/Université Paris Cité).
[1] Le programme « Recherche à risque et à impact » ou « (RI)2 » bénéficie d’une aide de l’État gérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre de France 2030 (ANR-24-RRII-0001).